VIH : La vie professionnelle est plus compliquée avec le VIH, mais le chômage est aussi plus fréquent

Vivre avec le VIH/SIDA, n’affecte pas seulement l’état de santé et les relations sentimentales, la vie professionnelle est elle aussi impactée. Malgré l’allongement de l’espérance de vie et  la réduction des effets secondaires des trithérapies, l’insertion sur le marché du travail reste problématique.

« Si elle n’est pas venue bosser, ce n’est pas parce que c’est une grosse feignasse. Avec le SIDA, la vie est beaucoup plus compliquée. »  Cette affiche de la campagne SIDACTION 2016 pose la question du travail pour les personnes vivant avec le VIH/SIDA.

Au moment de l’apparition de la maladie dans les années 1980, alors que VIH/SIDA rimait avec mort imminente et qu’aucun traitement ne permettait de contrer l’avancement de la maladie, la question du maintien et de l’accès à l’emploi était une problématique secondaire. Or depuis l’arrivée des trithérapies en 1996 en France, l’infection à VIH est passée dans le champ des maladies chroniques. Une maladie qui se ne guérit pas mais avec laquelle on vit toute sa vie, au même titre que le diabète. Les personnes vivant avec le VIH ont pu alors envisager de continuer à travailler ou de reprendre une activité professionnelle.

Cependant des études menées en France, au début des années 2000, ont montré que cette volonté de travailler se heurte à de nombreuses barrières.

En premier lieu, travailler lorsqu’on a une maladie chronique implique de pouvoir concilier temps de travail et temps de soin (visites chez différents professionnels de santé, hospitalisations, etc.), ce qui n’est pas aussi facile dans toutes les professions, notamment les moins qualifiées. C’est pourquoi l’état de santé, et notamment être à un stade sévère de la maladie, a été identifié comme un facteur de perte d’emploi chez les personnes avec un faible niveau d’étude.

De plus, si vivre avec le VIH ne constitue pas en soit une incapacité de travail et que les individus n’ont aucune obligation légale de déclarer leur sérologie sur leur lieu de travail ou dans leur recherche d’emploi, le VIH reste une maladie stigmatisée. La discrimination à l’encontre des personnes vivant avec le VIH constitue le second grand obstacle au maintien d’une vie professionnelle[1]. Le fait d’avoir rapporté des discriminations sur son lieu de travail a été identifié comme un facteur de risque de perte d’emploi chez les femmes.

Environ deux tiers des personnes vivant avec le VIH n’ont pas dit leur statut sérologique sur leur lieu de travail. Ne pas révéler son infection relève tout d’abord d’une stratégie de protection face à des discriminations qu’on anticipe. Mais cette stratégie empêche aussi de bénéficier d’aménagements de poste ou d’horaires de travail auxquels elles auraient droit si leur condition de malade était connue et reconnue.

Si la discrimination opère sur le lieu de travail, elle est aussi présente lors de la recherche d’emploi. Ainsi, en 2011, un quart des personnes vivant avec le VIH déclarait avoir vécu des discriminations lors de leurs recherches d’emploi dans les deux dernières années[2]. Cette discrimination peut-être en lien avec leur séropositivité ou d’autres motifs : dans le cas de la recherche d’emploi, les causes principales de discriminations restent la nationalité ou la couleur de peau. La conciliation du travail et de l’infection VIH est donc d’autant plus difficile lorsque les malades appartiennent, en plus, à des catégories déjà discriminées sur le marché du travail français, (les femmes, les immigrés, les jeunes).

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Campagne SIDACTION 2016

Pour ne pas aller bosser, il faut déjà avoir un travail

Plus de 15 ans après l’arrivée des trithérapies, la situation professionnelle des personnes vivant avec le VIH s’est malheureusement peu améliorée et la conciliation entre vie professionnelle et temps de la maladie reste un vrai problème. Au contraire le taux de chômage au sein de cette population a même augmenté, alors que le taux d’inactivité a baissé[3] : grâce aux traitements. Au début des années 2010, les personnes vivant avec le VIH sont en capacité de travailler et désir le faire, mais nombreuses sont celles qui se trouvent bloquées à l’entrée du marché du travail. En cause en particulier, la crise économique qui touche la France depuis 2008 et qui n’a pas épargné les personnes vivant avec le VIH.

Si pour les personnes en emploi, la conciliation entre vie professionnelle et temps de la maladie reste une problématique importante, l’accès à l’emploi va également se poser avec d’autant plus d’importance dans un marché du travail de plus en plus sélectif et qui risque de marginaliser encore plus la situation des malades chroniques.

  1. Dray-Spira R, Gueguen A, Lert F, The ANRS-Vespa study group. Disease severity, self-reported experience of workplace discrimination and employment loss during the course of chronic HIV disease: differences according to gender and education. Occup Env Med. 2008;65: 112–119.
  2. Marsicano E, Dray-Spira R, Lert F, Hamelin C, group A-V. Discrimination against people living with HIV infection in metropolitan France. Popul Soc. 2014;516.
  3. Annequin M, Lert F, Spire B, Dray-Spira R, The ANRS-Vespa2 study group. Has the employment status of people living with HIV changed since the early 2000s? AIDS. 2015;29: 1537–47.

Auteur : Margot Annequin

Doctorante en épidémiologie sociale -sociologue repentie à la santé publique - mes recherches portent sur les conséquences sociale de l'infection à VIH, plus particulièrement sur l'emploi des personnes vivant avec le VIH en France.

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