La pratique d’une activité physique régulière pendant la grossesse peut-elle prévenir une dépression postpartum ?

La dépression postpartum est définie comme une dépression mineure ou majeure ayant lieu jusqu’à un an après l’accouchement. Elle touche entre 8 et 25% des femmes dans les pays occidentaux et a des conséquences négatives pour la mère, pour l’enfant et pour l’entourage (1). On sait que pratiquer une activité physique régulière a de nombreux bénéfices pour la santé physique et mentale.  Qu’en est-il de la dépression postpartum ?

Il a été observé que par rapport aux mères qui vont bien, celles qui sont déprimées sont plus sensibles à des douleurs physiques (maux de tête, douleurs au dos) et émotionnelles. Dagher et ses collègues ont montré que les femmes déprimées ont un retour à l’emploi plus rapide que les femmes non déprimées, ce qui a pour conséquence une aggravation de leur état dépressif (2).  Une première dépression est également un facteur de risque pour une autre dépression (3). Une dépression postpartum a aussi des conséquences néfastes sur la relation mère-enfant.  En effet, celles-ci ont moins tendance à allaiter leur enfant (4), sont moins affectueuses et moins impliquées dans le maintien de son rythme de sommeil. Ces comportements peuvent avoir des conséquences sur le développement émotionnel et cognitif de l’enfant à court et à long terme. Enfin, une dépression postpartum peut être à l’origine de problèmes de couple, pouvant aller jusqu’à un divorce (5).

Il a été montré que la pratique d’une activité physique régulière permet d’améliorer l’humeur des personnes atteintes d’une dépression légère à modérée de manière comparable à la prise d’antidépresseurs, une thérapie comportementale ou du support social (6). L’American Congress of Obstetricians and Gynecologists (ACOG) recommande pour les femmes enceintes qui ne présentent pas de contre-indications médicales, de pratiquer une activité modérée de renforcement musculaire ou de fitness de manière régulière dans le but de prévenir les maladies chroniques, dont la dépression (7).

Pour savoir si le fait de pratiquer une activité physique pendant la grossesse pourrait prévenir la dépression postpartum, on peut d’abord comparer les symptômes de dépression postpartum chez les femmes qui ont pratiqué une activité physique régulièrement pendant leur grossesse par rapport à celles qui n’en ont pas pratiqué. Pour mesurer les symptômes de dépression postpartum d’une femme, il existe plusieurs méthodes, telles que le diagnostic d’un psychiatre, ou des échelles validées pouvant être administrées par un enquêteur ou par auto-questionnaire. Une des échelles les plus fréquemment utilisées dans les études épidémiologiques est l’EPDS (Edinburgh Postnatal Depression Scale). Il s’agit d’un questionnaire de dix items qui évalue si la femme s’est sentie anxieuse, coupable, paniquée, triste ou si elle a songé à se faire du mal au cours de la semaine précédant l’administration du test. A partir de ces items, un score allant de 0 à 30 est calculé. Le seuil à partir duquel une dépression postpartum est potentiellement envisagée varie selon les pays – en France on utilise en général un score de 12.

Des hypothèses quant aux mécanismes qui pourraient lier activité physique et dépression ont été avancées. On peut supposer que ceux-ci s’appliquent également aux femmes enceintes. Celles-ci pourraient également être encouragées à pratiquer une activité physique pour bénéficier d’un support social du fait d’être en groupe, pour contrôler la prise de poids pendant leur grossesse, ainsi que leur image, améliorer la qualité de leur sommeil et enfin aussi pour la satisfaction d’atteindre des objectifs, ce qui peut améliorer leur bien-être psychologique à court mais aussi à plus long terme.

Une revue de la littérature a récemment été menée sur 14 études publiées entre 1993 et 2015 sous forme d’articles ou de thèses, et portant au total sur 81 654 femmes, âgées de 25 à 32 ans, dont 40% étaient considérées comme régulièrement actives durant leur grossesse. Parmi ces 3 études interventionnelles et 11 études observationnelles, 6 études observationnelles ont trouvé une association négative et statistiquement significative entre activité physique pendant la grossesse et dépression postpartum, c’est-à-dire que les femmes ayant pratiqué une activité physique régulière pendant leur grossesse avaient tendance à avoir des niveaux de symptômes de dépression moins élevés que les femmes n’en ayant pas pratiqué. Dans les 8 autres études, aucune différence n’a été observée entre les femmes ayant pratiqué une activité physique régulière pendant leur grossesse et celles n’en ayant pas pratiqué. Les études qui ont trouvé une association statistiquement significative entre pratique d’une activité physique pendant la grossesse et dépression postpartum ne diffèrent pas de celles qui n’en ont pas trouvé en termes d’effectifs, qui sont hétérogènes dans les deux cas (de 22 à plus de 6000 versus de 48 à plus de 50000) ou du pays d’origine de l’étude.

De ces études, il n’y a pas consensus quant aux bienfaits de la pratique d’une activité physique pendant la grossesse sur la dépression postpartum. L’apport des interventions est confondu avec le fait qu’il s’agisse d’activités organisées en groupe. Les trois études interventionnelles ont été randomisées mais l’évaluation de la dépression postpartum non effectué à l’aveugle a pu entraîner des biais de classement différentiels1. En outre, des biais de classement non différentiels ont pu être rencontrés du fait que seule une étude a mesuré la dépression postpartum par un diagnostic médical et aucune étude n’a mesuré l’activité par un podomètre ou un accéléromètre. La présence de biais peut mener à sous ou sur estimer l’association entre la pratique d’une activité physique pendant la grossesse et la dépression postpartum. L’impact du type, de la fréquence et de l’intensité de l’activité physique n’ont pu être étudié par manque de données.

Que peut-on retenir de cette étude ? Les données dont nous disposons ne permettent pas de répondre à la question posée. De ce fait, il serait pertinent de mettre en place de nouvelles études interventionnelles et observationnelles qui mesureraient la dépression postpartum et l’activité physique de manière rigoureuse. La pratique de l’activité physique mériterait également d’être d’avantage détaillée (fréquence, type et intensité de l’activité physique).

(1) Guida J, Sundaram S et Leiferman J : Antenatal physical activity : Investigating the effects on postpartum depression. Health, 4:1276–1286, 2012.

(2) Dagher RK, Hofferth SL, Lee Y : Maternal depression, pregnancy intention, and return to paid work after childbirth. Womens Health Issues. 2014 May-Jun;24(3):e297-303

(3) Teychenne M et York R : Physical activity, sedentary behavior, and postnatal depressive symptoms. Am. J. Prev. Med., 45(2):217–227, Aug 2013.

(4) Gaynes BN, Gavin N, Meltzer-Briody S et al : Perinatal depression : prevalence, screening accuracy, and screening outcomes. evidence report/technology assessment 119. rockville md. Agency for Healthcare Research and Quality, 2005.

(5) Kerstis B, Berglund A, Engström G, Edlund B, Sylvén S, Aarts C : Depressive symptoms postpartum among parents are associated with marital separation: a Swedish cohort study. Scand J Public Health. 2014 Nov;42(7):660-8

(6) Barbour KA, Edenfield TM et Blumenthal JA : Exercise as a treatment for depression and other psychiatric disorders : a review. J. Cardiopulm. Rehabil. Prev., 27(6):359–367, 2007.

(7) American Congress of Obstetricians et Gynecologists : Committee opinion no. 650 : Physical activity and exercise during pregnancy and the postpartum. Obstet. Gynecol., 126(6):135–142, 2015.

1 Probabilité d’erreur de classement malade/non malade différente selon l’exposition

Auteur : Aurélie Nakamura

Doctorante en Epidémiologie Sociale au sein de l'Equipe de Recherche en Epidémiologie Sociale (ERES, IPLESP), membre du Réseau Doctoral de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP) et monitrice en statistique à l'IUT Paris Descartes