Un article publié précédemment souligne les défis de la prise en charge du vieillissement populationnel dans les systèmes de protection sanitaire et social. Ce présent article discute des discriminations des personnes âgées dans le marché du travail argumentées sur la baisse de productivité et des performances cognitives des personnes âgées. Qu’en est-il scientifiquement ?
Dans l’étude présentée par Aubert et Crepon [1], une diminution de la productivité apparaît avec l’âge, néanmoins la relation de causalité est incertaine. Si on considère la relation salaire/productivité comme mesure valable de la productivité la relation salaire/productivité, et que l’on accepte que les coûts salariaux augmentent à mesure que les travailleurs vieillissent –pour la relation entre l’âge et l’expérience acquise – l’évidence scientifique ne supporte pas l’amalgame du vieillissement et l’idée de basse productivité. Par conséquent, les arguments souvent mis en avant par les entreprises pour éviter d’embaucher ou de conserver les travailleurs âgés, ne sont pas justifiés. Quant aux facultés cognitives, les études scientifiques ne montrent pas de différences significatives entre les individus âgés et les jeunes dans la performance générale au travail. Toute baisse de performances cognitives est compensée par l’expérience, une connaissance plus grande et des compétences profondément ancrées de par un entraînement sur du long terme [2].
On pourrait analyser ce phénomène selon la construction théorique de Cattell [3] qui catégorise l’intelligence en deux types : l’intelligence cristallisée et l’intelligence fluide. L’intelligence cristallisée est considérée comme l’ensemble des capacités, stratégies et connaissances qui représentent le niveau de développement cognitif résultant de la biographie des individus. L’intelligence fluide est la capacité de s’adapter et faire face à des nouvelles situations avec flexibilité, sans que les connaissances préalables constituent une source déterminante pour son apparition.
Un autre facteur lié à la notion de la productivité au travail, est celui de la formation. L’évidence scientifique montre une corrélation positive entre l’investissement dans la formation des travailleurs et la productivité [4]. La formation ne représente pas seulement un moyen efficace d’optimiser les processus de production mais elle permet aussi de lutter contre les accidents au travail et les maladies spécifiques de l’environnement du travail. Cependant, l’âge peut être un facteur de résistance à la formation. La réduction de la mobilité verticale avec l’âge est un facteur qui acquiert une grande importance et qui pourrait entraver ou ralentir l’accès à la formation chez les employés les plus âgés. Le manque d’adaptation des méthodes de formation aux travailleurs âgés est aussi à considérer ; normalement, ceux-ci ne sont pas envisagés pour cette partie des masses laborieuses. Quelques données suggèrent que les travailleurs âgés perçoivent la formation avec plus d’anxiété que le reste des travailleurs, ce qui ne favorise pas l’apprentissage. Les formations à destination du public adulte, et a fortiori âgé, devraient commencer par essayer de minimiser ces freins à la formation [2].
Afin de lutter contre les discriminations sur le marché du travail subies par les travailleurs âgés, l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) juge les mesures politiques et sociales insuffisantes ; la compréhension des stratégies d’emploi dans les entreprises privées et les raisons pour lesquelles les travailleurs âgés ont moins de chances d’être embauchés doivent être étudiées. De cette manière, la gestion du phénomène prend non pas seulement une dimension personnelle, médicale, politique et sociale, mais nécessite également la participation et compréhension des dynamiques du marché du travail privé en tant qu’acteur social incontournable.
Références
1 – AUBERT, Patrick ; CRÉPON, Bruno. La productivité des salariés âgés : une tentative d’estimation. Economie et statistique, 2003, vol. 368, no 1, p. 95-119.
2 – GRIFFITHS, Amanda. Ageing, health and productivity: a challenge for the new millennium. Work & stress, 1997, vol. 11, no 3, p. 197-214.
3 – CATTELL, Raymond B. Abilities: their structure, growth, and action. 1971.
4 – KOCH, Marianne J.; MCGRATH, Rita Gunther. Improving labor productivity: Human resource management policies do matter. Strategic management journal, 1996, vol. 17, no 5, p. 335-354.
Glossaire
Mobilité verticale
La mobilité verticale est un changement de position sociale soit vers le haut de la hiérarchie sociale (mobilité ascendante ou promotion sociale) soit vers le bas (mobilité descendante ou démotion sociale).
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