Co-écrit avec Naomi Downes
La conférence annuelle organisée par la Swiss Society for Early Childhood Research (SSECR) a eu lieu à Zurich le 24 novembre 2021, à la HfH (Interkantonale Hochschule für Heilpädagogik, école intercantonale de pédagogie spécialisée). Elle a pour visée de rassembler des clinicien·ne·s et chercheur·euse·s pour favoriser les échanges entre les mondes clinique et académique autour de la thématique de la santé et du bien-être périnatal, et ce par une approche pluridisciplinaire.
Ce réseau sert à partager, encourager et disséminer les résultats de la recherche sur la périnatalité (définie par l’OMS comme « la période entre la 28e semaine de grossesse et le 7e jour de vie après la naissance »). Cette troisième édition a réuni des professionnel·le·s et académiques provenant de toute la Suisse, mais aussi d’Allemagne et de France et a permis notamment de faire un état des lieux de la santé périnatale en Suisse. C’est au cours du premier jour de cette conférence que s’est tenu le premier Swiss Perinatal Research Special Interest Group Symposium dont le thème était “Collaborate For High Quality Perinatal Care”.
Pour vous donner une idée de ce qui a été présenté lors de cette journée, nous avons choisi de décrire l’intervention qui nous a le plus marqué lors de ce colloque : celle du Dr Alain Grégoire .
Dr. Alain Grégoire, psychiatre en périnatalité à la retraite, est le président et co-fondateur de la UK Maternal Mental Health Alliance créée en 2011, le président de la Global Alliance for Maternal Mental Health, ainsi que professeur émérite à l’université de Southampton, UK. Au cours de sa présentation, le Dr Alain Grégoire a tout d’abord souligné le très net manque d’attention portée aux soins psychologiques en périnatalité. Il a parlé avec beaucoup de passion et son indignation quant à l’inaction des gouvernements face à l’ampleur des avancées nécessaires en termes de santé mentale en périnatalité s’est avérée contagieuse. Il a également rappelé l’impact néfaste des problèmes de santé mentale chez les parents sur leur propre vie ainsi que sur celle de leurs enfants, ainsi que la prévalence, bien trop élevée, de dépression majeure chez les mères suite à la naissance d’un enfant. Selon un rapport de MBRRACE-UK, investiguant les soins de santé maternelle au Royaume-Uni et en Irlande reçus par 495 femmes décédées entre le début et jusqu’à un an après une grossesse, de 2017 à 2019, il apparaissait que le suicide était la cause principale de décès chez les mères dans l’année suivant la fin de la grossesse. Une grande partie des évaluateur·ice·s de la prise en charge de chaque cas décrit dans ce rapport (67%) estimaient justement qu’une meilleure prise en charge aurait pu changer cette situation1. Par conséquent, le Dr Alain Grégoire a encouragé les participant·e·s présent·e·s à suivre l’exemple des alliances existantes, et à travailler ensemble pour mettre la santé mentale des mères au même plan que leur santé physique.
C’est en 2011 qu’il a lui-même participé à la création de la Maternal Mental Health Alliance (L’Alliance de Santé Mentale Maternelle) au Royaume-Uni. À la suite de leur première réunion, les membres de cette alliance, composée d’associations et d’organisations, ont plaidé auprès des autorités pour réduire les inégalités au niveau de la prise en charge en santé périnatale. En effet, à l’époque, les problèmes liés à la santé mentale périnatale coûtaient au gouvernement britannique 8,1 milliards de livres chaque année. Or, environ 72% de ce montant était lié aux conséquences d’un échec de prise en charge de la santé mentale périnatale sur le bien-être des enfants. Pourtant, il était estimé que le Royaume-Uni n’avait besoin d’investir que 357 millions de livres chaque année pour proposer une prise en charge adaptée, suivant les recommandations de bonnes pratiques de la santé mentale périnatale2. Aujourd’hui, grâce à cette alliance composée de plus de 100 organisations différentes, le suivi proposé aux mères au Royaume-Uni est mieux coordonné entre les différents acteurs et cela a permis de réduire les inégalités dans la majorité du Royaume-Uni.
Suite au succès de cette alliance, une alliance globale a été créée : la Global Alliance Maternal Mental Health (GAMMH), qui réunit des alliances et des organisations internationales. Ainsi, l’idée de créer une alliance de santé mentale périnatale en Suisse, qui pourrait rejoindre la communauté internationale, a été discutée par plusieurs participant.e.s du symposium. Le Dr. Alain Grégoire a par ailleurs proposé son aide pour accompagner la création de cette alliance, notamment en donnant des conseils à utiliser auprès de l’État suisse pour mettre en place cette alliance plus rapidement, comme ce fut le cas en France avec la création de l’Alliance francophone pour la santé mentale périnatale en seulement 2 ans. Si vous êtes intéressé·e·s par ces avancées, n’hésitez pas à consulter leurs sites internet ou des vidéos de présentations par le Dr Alain Grégoire (voici 2 exemples, en anglais et français).
Après cette présentation très instructive ont eu lieu une dizaine d’interventions sur la santé périnatale avec une attention particulière sur la santé mentale. Les recherches abordées, présentées par Dr. Jessica Pehlke-Milde, des étudiant.e.s, des doctorant.e.s, des post-doc, et des chercheur.euse.s, ont porté, entre autres, sur l’impact de la santé mentale des mères sur le sommeil de leurs enfants, sur le traitement du syndrome de stress post-traumatique lié à une naissance, sur l’impact du diagnostic de diabète gestationnel sur la santé mentale des femmes, ou encore sur l’expérience de la paternité pendant la période prénatale. Le planning de ce premier symposium et les abstracts des différentes recherches sont accessibles ici.
Conclusion
Cette journée a été très riche et nous avons beaucoup apprécié les nombreuses interventions ainsi que le fait d’avoir assisté à un congrès d’un groupe de recherche en pleine croissance. Il nous est néanmoins apparu que la place de l’autre parent dans la santé mentale périnatale restait très peu étudiée. De manière générale, l’absence d’intérêt pour le père, la partenaire, ou le couple parental renforce malheureusement les inégalités déjà existantes dès la petite enfance, comme le montre par exemple la différence entre les congés pour chaque parent après la naissance. Il est donc temps d’avoir une vision plus dynamique et systémique de la santé mentale en périnatalité afin de mieux répondre aux besoins et aux caractéristiques de chaque famille dans sa globalité.
Références
1 Knight M, Bunch K, Tuffnell D, Patel R, Shakespeare J, Kotnis R, Kenyon S, & Kurinczuk JJ on behalf of MBRRACE-UK. Saving Lives, Improving Mothers’ Care – Lessons learned to inform maternity care from the UK and Ireland Confidential Enquiries into Maternal Deaths and Morbidity 2017-19. Oxford: National Perinatal Epidemiology Unit, University of Oxford; 2021.
2 Bauer A, Parsonage M, Knapp, M Lemmi, V, & Adelaja B. The costs of perinatal mental health problems. London, Centre for Mental Health and LSE; 2014.
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