Au delà de la crise sanitaire, la pandémie de COVID-19 a aussi bouleversé le contexte social et économique. Une étude montre que même en prenant en compte la situation socio-économique d’avant la pandémie, ne pas avoir d’emploi et avoir des difficultés financières pendant la pandémie seraient associés à la présence de symptômes de dépression et d’anxiété.

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Les épidémies passées ont montré qu’au-delà des impacts immédiats en termes de morbidité et de mortalité, il existe des effets négatifs liés à la santé mentale de la population. Cela a été démontré à plusieurs reprises dans le cas de la pandémie de COVID-19 avec, par exemple, des augmentations respectives de 27% et 25% des troubles dépressifs et anxieux observées à l’échelle mondiale [1].
La pandémie de COVID-19 s’est aussi accompagnée d’une augmentation soudaine des difficultés liées à l’emploi, telles que la diminution du nombre d’offres d’emploi, l’augmentation des taux de chômage, la réduction ou le gel de l’activité et les pertes d’emploi dans certains secteurs économiques [2]. De plus, dans le contexte de la COVID-19, les personnes qui étaient déjà socialement et économiquement vulnérables ont davantage souffert des effets négatifs de la crise sur la santé que le reste de la population, aggravant les inégalités en matière de santé [3].
Dans une étude publiée dans Social Science and Medicine Population Health1, nous avons testé l’hypothèse selon laquelle les personnes occupant les emplois les moins stables et les moins rémunérés avant et pendant la crise de santé publique COVID-19 étaient plus susceptibles de présenter des symptômes d’anxiété et de dépression.
En utilisant les données de 864 personnes issues de la cohorte TEMPO, suivies spécifiquement entre mars 2020 et juillet 2021, nous avons constaté que les personnes sans emploi ou déclarant des difficultés financières pendant la pandémie de COVID-19 étaient plus susceptibles de présenter des symptômes d’anxiété/dépression durant la pandémie, à caractéristiques socio-démographiques (par exemple sexe, âge) et socio-économiques antérieures (par exemple les difficultés financières avant la pandémie) égales. Ces données suggèrent un rôle direct de l’emploi et des circonstances économiques sur la santé mentale au cours de la pandémie.
Ce résultat pourrait s’expliquer par les préoccupations financières et par le stress généré par la perte ou l’insuffisance de revenu mais également à la perte du statut social [4]. En effet, dans d’autres contextes, des travaux antérieurs ont montré que l’impact de la perte d’emploi sur la santé mentale peut dépendre de facteurs non financiers tels que le sentiment d’injustice lorsque son employeur réduit ses effectifs [5]. Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, l’incertitude sur la situation actuelle et future pourrait aussi générer un stress et détériorer la santé mentale. Enfin, le manque d’interactions sociales liées au travail et de structure de la vie quotidienne, notamment pendant les confinements, pourrait également aussi avoir un rôle dans la présence de symptômes dépressifs ou anxieux [6].
Conclusion
Les personnes exposées à des difficultés professionnelles et financières en raison de la pandémie de COVID-19, ou d’autres crises, peuvent subir des difficultés liées à la santé mentale accrues en raison de ces effets négatifs ; il est donc pertinent de cibler ces personnes dans des programmes de prévention et d’intervention en santé mentale.
L’équipe ERES est impliquée dans le projet RESPOND, un projet de recherche financé par l’UE, qui se déroule de 2020 à 2023. Le projet vise à identifier les groupes les plus exposés à des effets négatifs sur la santé mentale en raison de la pandémie de COVID-19, ainsi qu’à comprendre ce qui détermine ce risque.
1 : I. Hecker et al., « Impact of work arrangements during the COVID-19 pandemic on mental health in France », SSM – Popul. Health, vol. 20, p. 101285, déc. 2022, doi: 10.1016/j.ssmph.2022.101285.
Références:
[1] D. F. Santomauro et al., « Global prevalence and burden of depressive and anxiety disorders in 204 countries and territories in 2020 due to the COVID-19 pandemic », The Lancet, vol. 398, no 10312, Art. no 10312, nov. 2021, doi: 10/gm3qw3.
[2] OECD, OECD Employment Outlook 2020: Worker Security and the COVID-19 Crisis. OECD, 2020. doi: 10.1787/1686c758-en.
[3] C. Bambra, R. Riordan, J. Ford, et F. Matthews, « The COVID-19 pandemic and health inequalities », J. Epidemiol. Community Health, p. jech-2020-214401, juin 2020, doi: 10.1136/jech-2020-214401.
[4] M. Korzeniewska, « [Health effects of unemployment] », Med. Pr., vol. 46, no 4, Art. no 4, 1995.
[5] M. H. Brenner et al., « Organizational Downsizing and Depressive Symptoms in the European Recession: The Experience of Workers in France, Hungary, Sweden and the United Kingdom », PLoS ONE, vol. 9, no 5, p. e97063, mai 2014, doi: 10.1371/journal.pone.0097063. [6] D. Gilan et al., « Protective and Risk Factors for Mental Distress and Its Impact on Health-Protective Behaviors during the SARS-CoV-2 Pandemic between March 2020 and March 2021 in Germany », Int. J. Environ. Res. Public. Health, vol. 18, no 17, p. 9167, août 2021, doi: 10.3390/ijerph18179167.
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